Quels sont les critères qui nous permettent de définir qu’une personne est morte ? Socialement morte.
Qu’est-ce qui fait que des personnages historiques tels que Napoléon, Jeanne d’Arc ou Toutankhamon aient, des centaines d’années après leur disparition, survécu à l’oubli ?
Comment se fait-il qu’ils continuent d’alimenter notre imaginaire, qu’ils font toujours partie de notre histoire et parfois même de nos vies ?
Qu’est-ce qui fait que l’on honore toujours la mémoire des uns et oublions, d’une façon parfois fulgurante, celle de ceux qui ont fait partie de notre propre famille ?
Vous l’aurez compris, la mort est reliée à l’oubli et à l’immortalité à la mémoire.
LE REGARD DES AUTRES
Nous nous sentons socialement vivants, à savoir en osmose avec la société à laquelle nous appartenons, grâce à la place que cette même société nous octroie.
Or, c’est un fait, notre cerveau ne fait pas la différence entre le réel et l’imaginaire. Cela veut dire que notre cerveau donne à l’imagination un pouvoir réel. Penser qu’une personne est vivante la rend, pour celui qui a cette croyance et s’en persuade, exacte.
Certains défunts peuvent ainsi continuer leur vie terrestre du fait de l’attention que nous leur apportons. Le regard des autres sur notre propre existence, et de facto sur le devenir de notre immortalité, est un facteur clé qu’il ne faut pas négliger.
HALLOWEEN UN VOILE SUR NOS ANGOISSES
Halloween reflète bien notre relation contemporaine à la mort. C’est un moment où nous jouons avec elle. Nous savons bien qu’elle existe, mais nous préférons la voir comme un concept irréel. Nous la maquillons pour mieux l’ignorer. La mort n’est qu’un jeu, demain nous serons tous ressuscités. Play again.
Or, ce dénie social qui a pour fonction de la tenir à distance, de l’exorciser sous une overdose d’hémoglobine de synthèse, ne fonctionne pas. Au contraire, la mort n’a jamais été aussi angoissante car, tenter continuellement de la fuir ne fait que renforcer l’angoisse de la rencontrer.
La mort ne se voit plus. Ne se montre plus. La mort est devenue invisible. Elle s’est médicalisée. Aseptisée. Adoucie. Les gens ne souffrent plus ou du moins sont rapidement pris en charge pour leur éviter le calvaire d’une agonie traumatisante. Et c’est tant mieux.
Revers de la médaille, on ne sait plus ce que cela suppose.
Même celle proposée aux infos est déshabillé de tout ce qui pourrait la rendre brutale. Il faut en parler oui, c’est certain, mais tout en essayant de la montrer sous son meilleur jour. Pour illustrer un conflit, on se garde bien de diffuser des images crues par soucis de ne pas choquer le spectateur, on leur préfère des évocations : une peluche à terre, un immeuble éventré, des papiers qui volent au vent. C’est très symptomatique d’une « société enfant » qui ne veut pas/plus voir une certaine réalité.
À force de faire comme si elle n’existait pas, à force de zapper les veillées funéraires, de déserter les cimetières, les lieux de culte, de nous éloigner des anciens, de la maladie, de tout ce qui touche de près ou de loin à ce point de non-retour, nous l’avons désincarné.
Or, qu’on le veuille ou non, la mort fait partie de la vie, de notre vie. À un moment où à un autre nous y serons tous confrontés, aucun subterfuge ne pourra alors nous épargner.
LA MORT, VOUS EN PARLEZ SI BIEN
La mort est un thème qui revient assez régulièrement dans vos paroles. Lors de mes séances de coaching. Vous l’abordez toujours avec beaucoup d’appréhension.
Ce n’est jamais de votre propre mort qu’il s’agit, mais toujours celle des autres.
Ce n’est jamais de l’autre dont vous me parlez mais de vous, de ce que vous sentez capable d’affronter ou pas. Comme si la mort en elle-même était l’affaire des autres. Des morts.
Vous, vous ne vous intéressez qu’à vous. C’est normal, c’est humain, après tout c’est vous qui restez, c’est vous qui devrez assumer, affronter, faire en sorte de poursuivre une vie avec un vide, un blanc, peut-être quelque chose d’inachevée, un questionnement et sans doute quelques regrets.
Vous, vous êtes toujours du côté de la vie et vous vous questionnez beaucoup sur l’après.
Vous vous demandez toujours si vous aurez la capacité d’affronter la perte, le deuil, le vide :
« Je ne sais pas ce que je ferais s’il partait avant moi »… « Je ne supporterai pas qu’un de mes proches meurt. »… « je n’aurai pas la force de surmonter cette épreuve »… « j’ai toujours eu peur de la mort, rien que d’y penser cela me terrifie. »…
À chaque fois, je vous réponds que la mort fait partie de la vie, que vous saurez faire face et que, contre toute attente, on se relève de tout. Toujours. Même de la mort d’un être cher. Même d’un deuil jugé insurmontable.
J’ai connu des morts violentes, traumatiques, des morts programmées, des morts injustes (mais elles le sont toutes) des morts qui soulagent et celle qui révoltent. Des morts incohérentes, des morts qui vous remuent, qui vous questionnent, qui vous prend par surprise, d’autres qui vous laissent comme impassibles… Une chose est sure, c’est que l’être humain, quel qu’il soit, a la capacité de se relever et de reprendre le chemin de la vie.
Je ne dis pas que c’est facile, que c’est rapide, que c’est automatique. Il faut beaucoup de résilience et de force, parfois même être accompagné, mais le fait est que nous avons tous cette capacité. Personne n’en est dépourvu.
L’homme est fait pour avancer. Et il avance, toujours. On n’oublie pas, on avance juste.
LA MORT DEVIENT REELLE LORSQUE L’ AUTRE VOUS OUBLIE
J’ai beaucoup aimé l’approche de la mort véhiculée par le dessin animé Coco (Pixar).
Le film traite avec sensibilité et justesse le concept de la mort, et la vision de celle-ci à travers la culture mexicaine. Nous suivons ainsi, les aventures de Miguel, coincé dans le monde des défunts, à la recherche de son arrière-arrière-grand-père afin qu’il lui donne sa bénédiction de faire de la musique.
Au-delà de faire de ce « Pays des Morts » un monde coloré et par ailleurs très vivant, ce film nous dit autre chose. Il dépasse les simples aventures du petit Miguel. Il se questionne sur un concept qui nous dépasse tous… La mort. C’est quoi la mort ? C’est réel, la mort ? Lorsque l’on meurt, on n’existe vraiment plus ? Et il y a quoi après la mort ?
Alors célébrez vos morts. Parlez-leur si vous le souhaitez, parlez-en sans-gêne, rappelez-vous d’eux comme s’ils venaient tout juste de vous quitter.
La mémoire prolonge la vie. Lorsque vous évoquez une personne décédée, elle renaît dans votre imaginaire et celle de vos interlocuteurs.
Le jour où plus personne ne parlera/ pensera/ n’évoquera notre mémoire alors notre mort, sera définitivement actée. Nous sombrerons totalement dans l’oubli, nous n’existerons plus pour personne. C’est ainsi.
Sans aucun prosélytisme, force est de constater que nos actions, notre comportement dans le monde des vivants a toutes les chances d’avoir une répercussion après notre mort.
On se souviendra de nous comme d’un héros ou d’un salaud. Comme d’une personne douce et aimante ou d’une vipère imbuvable.
Haha on est toujours l’horreur de l’autre !
Bref, tournez ça comme vous le souhaitez, sachez seulement que vous savez maintenant quoi faire pour trouver l’immortalité et prolonger la vie de ceux que vous aimez.
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