Entre quête de sens et refuge identitaire, les sorcières connaissent une résurgence en France. Quels sont les ressorts sociaux, culturels et psychologiques de cet engouement ?
D’après un sondage Ifop* , 18 % des Français affirment croire aux sorcières et 24% aux fantômes.
La sorcière, cette figure emblématique du moyen-âge, ressurgit ainsi dans notre paysage culturel. Loin d’être une simple mode, ce retour de la sorcellerie et aux croyances occultes semble répondre aux besoins profonds de notre société.
Dans un monde où l’incertitude et le besoin de sens se font de plus en plus pressants, la fascination pour la sorcellerie et ses symboles attirent toutes les générations.
I. Qui croit aux sciences occultes et pourquoi ?
La croyance en la sorcellerie transcende les profils et s’inscrit comme une réponse personnelle et sociale à des besoins variés. Historiquement associée à la marginalité, la sorcière est aujourd’hui perçue comme une femme libre de ses choix et de sa vie.
En 2024, la figure de la sorcière ne se limite plus à une image unique et stéréotypée. Elle incarne désormais des idées complexes et souvent positives, représentant à la fois un retour aux sources et une figure de résistance.
La sorcière moderne incarne l’émancipation et l’indépendance. Elle représente une femme (ou un homme) qui revendique sa liberté, son pouvoir personnel et sa capacité à s’auto-déterminer.
Elle est souvent associée à une sensibilité écologique et à une relation respectueuse avec la nature. Ce lien intime avec les éléments – terre, eau, feu et air – fait écho aux préoccupations contemporaines autour de la durabilité et du respect de l’environnement. Elle incarne un retour aux valeurs simples et au « slow life », privilégié des pratiques naturelles, de l’herboristerie et des rituels en harmonie avec les saisons.
La sorcière de 2024 est en quête de sens. Elle puise dans le spirituel sans se conformer aux dogmes traditionnels, privilégiant une spiritualité personnalisée. Cette quête intérieure s’accompagne souvent de pratiques comme le tarot, la méditation ou l’étude des symboles, qu’elle utilise pour explorer son propre potentiel et chercher des réponses en elle-même.
Elle est également devenue un symbole de guérison. Beaucoup de personnes explorent la sorcellerie ou l’ésotérisme comme une manière de surmonter les blessures personnelles et de se réapproprier des aspects douloureux de leur passé. Le rôle de « guérisseuse » est au cœur de l’image de la sorcière en 2024, une figure capable de transformer ses épreuves en force.
Historiquement persécutée et stigmatisée, la sorcière est aujourd’hui une figure de résistance face aux normes et aux systèmes patriarcaux. Ce symbole est très pris dans les mouvements féministes modernes, où la sorcière incarne une revendication d’autonomie, de pouvoir et une réappropriation de l’histoire des femmes.
Enfin Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, les sorcières de 2024 ne sont plus seules ni isolées. Elles se rassemblent dans des communautés en ligne et des groupes locaux, partageant leurs connaissances et rituels, et trouvant un sentiment d’appartenance. Ce collectif devient un espace de soutien, d’échange et de validation des croyances et pratiques, créant des liens forts entre les adeptes.
En somme, la sorcière de 2024 est une figure riche et complexe qui allie quête de sens, d’autonomisation et de résistance. Elle offre une alternative aux récits dominants, invite à la réflexion et au retour sur soi, et sert de symbole pour ceux qui cherchent à se reconnecter à eux-mêmes et au monde qui les entoure.
Ce personnage mythique est vue de différentes façons selon l’âge, le genre et le milieu social.
Ainsi, les jeunes adultes et les personnes âgées sont plus enclins à s’y intéresser. Les premiers, souvent en quête d’identité, trouvent dans leurs pratiques ésotériques une voie de rébellion et d’expression de soi. Pour les aînés, la magie peut représenter une source de réconfort dans un monde changeant, offrant des explications face à des événements inexplicables.
A noter que la sorcellerie attire davantage les femmes, qui représentent une part importante des consultations en voyance et autres pratiques ésotériques. Historiquement, les femmes ont souvent été associées à des pouvoirs occultes. Cette tradition continue d’exercer une influence, faisant de la sorcellerie un espace de pouvoir et de mystère féminin.
Enfin contrairement aux idées reçues, le niveau d’éducation n’a pas d’incidence directe sur la croyance en la sorcellerie. Les profils de croyants sont divers, bien que les milieux ruraux, avec un fort attachement aux traditions, semblent plus ouverts à l’existence de phénomènes surnaturels.
Ce retour de la sorcellerie s’explique par un besoin de sens et de contrôle : Dans un monde perçu comme chaotique, la sorcellerie apporte une forme de contrôle sur sa destinée. Pour ceux qui cherchent à transcender les incertitudes et les peurs modernes, la magie peut donner une illusion de maîtrise.
Par ailleurs, l‘adhésion à des croyances partagées offre une forme d’appartenance. L’ésotérisme crée des communautés soudées, qui deviennent des refuges où valeurs et croyances se transmettent et se renforcent.
II. L’Influence de la culture populaire.
La vulgarisation de la sorcellerie dans la culture populaire a contribué à faire un phénomène social, bien au-delà des cercles ésotériques.
Des romans fantastiques aux films iconiques, les œuvres de fiction ont fortement contribué à diffuser et à glamouriser l’image de la sorcière. Des personnages de sorcières emblématiques ont renforcé l’attrait pour la magie, la rendant accessible et attrayante.
De la même façon, des séries comme Charmed et Harry Potter ont marqué des générations, intégrant la sorcellerie dans le quotidien de leurs spectateurs. Ces médias renforcent les stéréotypes, mais offrent aussi des versions modernisées de la sorcellerie, adaptées aux codes contemporains.
Enfin internet et les réseaux sociaux propose un large choix de ressources ésotériques facilement accessibles en un clic facilitant l’initiation et la rencontre de personnes partageant les mêmes intérêts.
Le commerce d’ objets ésotériques (tarots, cristaux, amulettes) connaissent un essor incroyable et décomplexé en partie grâce à Instagram et TikTok. Ce commerce favorise ainsi l’intégration de la sorcellerie dans le quotidien, donnant une dimension tangible à ces croyances.
III. L’Attraction Psychologique de la Sorcellerie et ses Conséquences.
Au-delà du socioculturel, l’engouement pour la sorcellerie s’appuie également sur des mécanismes psychologiques puissants, provoquant l’attachement de nombreux individus à ces croyances.
Pourquoi la sorcellerie séduit notre esprit ?
1. Pensée magique et biais de confirmation : La pensée magique consiste à croire en un lien entre ses pensées et la réalité. Les personnes convaincues de l’efficacité de certains rituels y voient une confirmation de leurs convictions, renforçant ainsi leur foi en la magie.
2. Projection et quête de sens : La sorcellerie offre un exutoire pour exprimer des peurs et des désirs refoulés. Face à l’inexplicable, projeter ses incertitudes et ses espoirs sur des pratiques surnaturelles devient une manière d’organiser la réalité et de la rendre plus supportable.
Les impacts de la croyance en la sorcellerie :
1. Isolement et marginalisation : Si la sorcellerie devient une partie importante de l’identité de certains, cela peut conduire à un isolement social. Les croyants fervents sont parfois marginalisés ou incompris par leurs proches.
2. Manipulation et vulnérabilité : Les adeptes de la magie peuvent devenir des cibles pour les charlatans. Exploiter la vulnérabilité des croyants expose ces derniers à des risques financiers et psychologiques, alors qu’ils espèrent des solutions et des réponses.
La Sorcellerie, un reflet de notre quête contemporaine de sens.
L’anthropologue jean-Loïc LeQuellec affirme que « les humains préfèrent croire n’importe quoi plutôt que rien ».
La résurgence de la sorcellerie en France répond aux besoins profonds de quête de sens, sentiment d’appartenance, ou encore besoin de contrôle dans un monde instable. Cette croyance, loin de disparaître, s’adapte aux époques et s’enrichit de l’essor des médias et des réseaux sociaux.
En fusionnant tradition et modernité, la figure de la sorcière continue de captiver les esprits, nous rappelant qu’il est parfois plus rassurant de croire en quelque chose, même en l’invisible, plutôt que de ne croire en rien.
La sorcellerie symbolise ainsi une réponse émotionnelle et culturelle aux incertitudes contemporaines, un mystère qui, de toute évidence, ne cesse d’intriguer et d’unir au-delà des générations.